Titre Précedent Suivant Sommaire Index | CVIII. – Les hommes célèbres de la Champagne. – Turennes. – Colbert et la France sous Louis XIV. – Philippe Lebon et le gaz d'éclairage. – Le fabuliste La Fontaine.

CVIII. – Les hommes célèbres de la Champagne. – Turennes. – Colbert et la France sous Louis XIV. – Philippe Lebon et le gaz d'éclairage. – Le fabuliste La Fontaine.

Nous jouissons tous les jours, et souvent sans le savoir, de l'oeuvre des grands hommes : c'est un bienfait perpétuel qu'ils laissent après eux.
I. Turenne, maréchal de Frane, est né à Sedan. Il s'illustra par un grand nombre de victoires. Aidé par Vauban, il prit la Flandre en trois mois.
Il sauva l'Alsace, un moment envahie, dans une admirable campagne qui fut son chef-d'oeuvre.
Turenne fut toujours un modèle de désintéressement, de modestie et de bonté. Il épargnait le sang de ses soldats, qui l'adoraient.
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TURENNE, né à Sedan en 1611, tué d'un boulet de canon à Salzbach en 1675.
– Ah ! pensa Julien, quel malheur que ce grand Turenne n'ait pas commandé à la bataille de Sedan ! Bien sûr,une seconde fois, il aurait sauvé l'Alsace ! – Et Julien soupira, songeant combien de vies humaines cette chère Alsace avait inutilement coûtées, et il ne put s'empêcher de dire : – Quelle triste chose que la guerre !
II. Le plus grand ministre de Louis XIV et l'un des plus grands hommes qui aient gouverné la France, ce fut COLBERT, le fils d'un simple marchand de laines de Reims qui avait pour enseigne un homme vêtu d'un long manteau de drap avec ces mots : Au long-vêtu. Colbert avait pris dans le commerce des habitudes d'ordre et d'intègre probité, qu'il apporta plus tard dans les affaires publiques. Le cardinal Mazarin dit à son lit de mort à Louis XIV : « Sire, je vous dois beaucoup, mais je crois m'acquitter en quelque sorte avec Votre Majesté en vous donnant Colbert. » Les prévisions de Mazarin ne furent pas trompées, et c'est à Colbert qu'est due pour la plus grande partie la gloire du siècle de Louis XIV.
A cette époque, une foule de gens prenaient dans le trésor public et gaspillaient le trésor de la France. Colbert, par sa fermeté et sa sévérité, réprima tous ces abus. On l'appelait « l'homme de marbre », parce qu'il ne donnait à chacun que ce qui lui était dû, sans se laisser fléchir par les menaces ou par les promesses.
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COLBERT, né à Reims en 1619, mort en 1683. – Il diminua les impots que payait seul le peuple et augmenta ceux que les nobles payaient. Il encouragea l'agriculture ; c'est aussi grâce à lui que l'industrie française se développa, et qu'elle a acquis cette élégance qui la distingue encore au milieu des industries de toutes les nations. En même temps il améliorait les routes, et fit creuser par Riquet le canal du Midi. Enfin, il encouragea les arts et les lettres et attira à Paris les savants, les sculpteurs comme Puget, les peintres, les poètes, les écrivains de tout genre.
« Sire, écrivait-il au roi, un repas inutile de mille écus me fait une peine incroyable ; et lorsque, au contraire, il est question de millions d'or pour la Pologne, je vendrais tout mon bien et j'irais à pied pour y fournir, si cela était nécessaire. » Car c'était alors l'époque où les nations qui entouraient la Pologne commençaient à s'en disputer les provinces.
Colbert fit plus que de donner tout son bien pour la France : il lui donna tout son temps, toutes ses forces, toute sa vie. Il travaillait seize heures par jour, soutenu par l'idée qu'il travaillait au bonheur du peuple et à la gloire de la France.
Malheureusement, ce labeur perpétuel ruinait sa santé. En outre, les courtisans le haïssaient, car il n'aimait point à leur accorder des faveurs injustes. Le roi Louis XIV fini par méconnaître ses services, et par le disgracier au moment où il allait mourir épuisé par ses travaux.
Mais Colbert laissait en mourant de grandes oeuvres, et le bien qu'il avait fait à la France ne fut point perdu. Maintenant encore, dans l'état florissant où nous sommes, on pourrait retrouver la trace des efforts de Colbert. On comprend à peine comment ce grand ministre put suffire à accomplir à la fois tant de travaux et de réformes diverses.
– Vraiment, dit Julien en lui-même, voilà un homme qui a été bien utile à la France ; et pourtant c'était le fils d'un simple marchand de draps, ce Colbert. Mais ce n'était pas un paresseux, seize heures de travail par jour, comme il prenait de la peine ! Allons, je vois que, pour arriver à faire bien des choses et à les bien faire,il faut travailler sans cesse.
III. PHILIPPE LEBON naquit dans un village de la Haute-Marne. Devenu ingénieur des ponts et chaussées, il était à la campagne, chez son père, lorsqu'il fit une des plus importantes découvertes de notre siècle. Il était occupé à des expériences de physique et de chimie, et chauffait sur le feu une fiole remplie de sciure de bois : le feu s'étant communiqué à la fumée et au gaz qui s'échappaient de la fiole, ce gaz se mit à brûler d'un vif éclat. Aussitôt, Philippe Lebon conçut la pensée d'éclairer les maisons et les villes au moyen du gaz qui sort du bois et du charbon de terre quand on les chauffe fortement. Il était tellement enthousiasmé de sa découverte, qu'il disait aux habitants de son village :
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USINE A GAZ – Pour fabriquer le gaz, on enferme la houille dans de grands cylindres de fonte et on la fait chauffer ; le gaz s’en, échappe et, après avoir été purifié, il se rend dans ces espèces de grandes cloches renversées qu’on voit à gauche dans la gravure, e qu’on appelle gazomètres. De ces cloches partent les tuyaux qui conduisent le gaz dans les rues et dans les magasins.
– Je retourne à Paris, et de là je puis, si vous voulez, vous chauffer et vous éclairer avec du gaz que je vous enverrai par des tuyaux.
On le traita de fou, mais son invention, loin d'être une folie, est une des plus utiles applications de la science.
Philippe Lebon eut bien de la peine pour faire accepter en France son idée, et même il n'y put réussir. C'est en Angleterre qu'on adopta d'abord sa découverte.
Au milieu de ses efforts et de ses courageux essais, Philippe Lebon rencontra une mort tragique. Il fut assassiné, en 1804, à Paris, dans les Champs-Elysées, sans qu'on ait jamais pu découvrir ni son meurtrier ni le motif de cet assassinat. Une pension fut accordée par l'Etat à la veuve de Philippe Lebon.
IV. La Champagne a produit encore un de nos plus grands et de nos plus aimés poètes.
A Château-Thierry, dans l'Aisne, vivait au dix-septième siècle un excellent homme de moeurs fort simples, qui était chargé d'inspecter les eaux et forêts. Il passait, en effet, une grande partie de son temps dans les bois. Il restait tout songeur sous un arbre pendant des heures entières, oubliant souvent le moment de dîner, ne s'apercevant pas parfois de la pluie qui tombait. Il jouissait du plaisir d'être dans la campagne, il regardait et observait tous les animaux ; il s'intéressait aux allées et venues de toutes les bêtes des champs, grandes ou petites. Et les animaux lui faisaient penser aux hommes ; il retrouvait dans le renard la ruse, dans le loup la férocité, dans le pigeon la tendresse. Il composait alors dans sa tête de petits récits dont les personnages étaient des animaux, des fables où parlaient le corbeau, le renard, la cigale et la fourmi.
Vous avez reconnu, enfants, ce grand poète dont vous apprenez les fables par coeur, LA FONTAINE. C'est un des écrivains qui ont immortalisé notre langue : ses fables ont fait le tour du monde ; on les lit partout, on les traduit partout, on les apprend partout. Elles sont pleines d'esprit, de grâce, de naturel, et en même temps elles montrent aux hommes les défauts dont ils devraient se corriger.
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LA FONTAINE naquit à Château-Thierry (Aisne) en 1621 et mourut en 1695. A cette époque Château-Thierry faisait partie de la province de Champagne.