Titre Précedent Suivant Sommaire Index | CXVII. – Versailles. – Quelques grands hommes de Paris et de l'Ile-de-France. – Les poètes classiques : Racine, Boileau. – Un grand chimiste, Lavoisier.

CXVII. – Versailles. – Quelques grands hommes de Paris et de l'Ile-de-France. – Les poètes classiques : Racine, Boileau. – Un grand chimiste, Lavoisier.

Paris a produit tant de grands hommes et d'hommes utiles qu'on ne sait comment choisir dans le nombre : c'est la ville du monde qui s'est le plus illustrée par les travaux de l'esprit.
Le lendemain, lorsqu'on eut reçu l'argent de l'oncle Frantz, on se dirigea vers la gare de l'Ouest et on monta en wagon pour aller rejoindre le vieux pilote Guillaume dans la partie de l'Orléanais et de la Beauce qui est voisine du Perche. On s'arrêta quelques heures à Versailles, pour visiter le château que Louis XIV y fit construire et qui lui servit de résidence. André et Julien se promenèrent dans le parc aux allées symétriques et ils admirèrent les nombreux jets d'eau des bassins.
On remonta ensuite en chemin de fer, et Julien, pour ne pas perdre son temps en voiture et pour compléter tout ce qu'il savait déjà de la France, ouvrit son livre sur les grands hommes et lut les derniers chapitres avec attention.
L'Ile-de-France et surtout Paris ont produit tant de grands hommes que l'espace manquerait pour raconter leur vie. Bornons-nous à quelques mots sur les principaux poètes et savants nés dans cette contrée.
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VERSAILLES, LE CHÂTEAU ET LE PARC. – Versailles est une belle ville de 55 000 hab., située à quelques lieues de Paris. Auprès se trouve le château de Louis XIV, qui forme à lui seul comme une autre ville. Les jardins sont remplis de bassins, de jets d'eau, de cascades qu'on fait couler les jours de fête ; c'est ce qu'on nomme les grandes eaux.
I. RACINE, qui fut le rival de Corneille pour la poésie, naquit en 1639, dans une petite ville du département de l'Aisne. Il perdit son père et sa mère dès l'âge de quatre ans et fut élevé par son grand-père. Il avait un tel goût pour les vers qu'aucun plaisir n'égalait à ses yeux celui de lire les poètes.
Racine devint un grand poète à son tour et fit paraître à Paris une série de chef-d'oeuvre qui contribuèrent à l'éclat du siècle de Louis XIV : ce sont de pièces de théâtre en vers appelées tragédies, où l'on représente des événements propres à émouvoir.
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RACINE naquit à la Ferté-Milon (Aisne), en 1639 et mourut en 1699. Principales tragédies : Athalie, Britannicus, Esther, etc.
Racine avait une âme tendre et généreuse. Il comprenait combien le roi Louis XIV, sur la fin de son règne, avait tort de ne pas mettre fin aux guerres continuelles et aux abus dont souffrait le peuple. Il composa sur ce sujet un écrit où il exprimait respectueusement au roi son avis et ses idées de réforme : le roi fut irrité, et le poète fut disgracié.
Racine, qui était déjà malade et dont la sensibilité naturelle était extrême, éprouva un vif chagrin ; son mal s'aggrava et il mourut deux ans après.
II. BOILEAU, né à Paris en 1636, fut aussi l'un des principaux poètes du siècle de Louis XIV. Il tourna en ridicule, dans ses vers, les vices et les défauts de son temps.
Boileau avait autant de coeur que d'esprit et il le prouva à plusieurs reprises. Un jour on lui apprend que le ministre a retiré au vieux Corneille la pension qui lui avait été accordée en récompense de ses glorieux travaux. Corneille n'avait pour vivre que cette pension. Aussitôt Boileau demande à être introduit près du roi :
– Sire, lui dit-il, je ne saurais me résoudre à recevoir une pension de Votre Majesté, tandis que notre grand Corneille ne reçoit plus la sienne ; si l'état des finances exige un sacrifice, qu'il retombe sur moi et non sur notre plus illustre poète.
Louis XIV consentit à rétablir la pension de Corneille.
Un autre jour, Boileau apprend qu'un savant magistrat de l'époque, Patru, est dans la misère et qu'il est réduit pour vivre à vendre sa bibliothèque. Patru va céder ses livres, ses chers livres, son plus grand trésor, et cela pour une faible somme, parce que les acheteurs abusent du besoin où il se trouve. Aussitôt Boileau va trouver Patru : il lui propose d'acheter ses livres, et lui en offre un prix élevé ; Patru accepte. – Fort bien, dit Boileau, mais je mets à notre marché une condition. – Laquelle ? – C'est que vous me rendez le service de garder dans votre maison tous ces livres, qui ne reviendront dans la mienne qu'après votre mort. – Et Patru, les larmes aux yeux, remercie Boileau de cette générosité délicate. Le prix d'un bienfait est double, quand ce bienfait cherche à se cacher lui-même.
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BOILEAU ET SON JARDINIER. – Boileau naquit à Paris en 1636 et y mourut en 1711. Il avait une maison de campagne aux environs de Paris, à Auteuil. Il raconte quelque part les causeries qu'il aimait à faire avec son jardinier et lui adresse de jolis vers.
III. Parmi les savants nombreux que Paris a vus naître, un des plus illustres est LAVOISIER, né en 1743. Il fit ses études dans les grands collèges de Paris et y obtint les plus beaux succès. Dès sa première jeunesse il montra un goût très vif pour les sciences ; il étudia l'astronomie, puis la botanique avec Jussieu, et enfin une science qu'il devait plus tard transformer et renouveler : la chimie. C'est la chimie qui enseigne de quels éléments les différentes choses sont composées, par exemple de quoi sont formés l'air, l'eau,le feu. C'est cette science qui apprend aussi à fabriquer tant de choses dont nous nous servons : l'alcool, le vinaigre, la potasse, la soude, les couleurs des peintre, celles des teinturiers, les médicaments des pharmaciens.
Au sortir du collège, Lavoisier se retira dans l'isolement, ne voyant personne, mangeant à peine pour pouvoir mieux travailler d'esprit, tout entier à ses recherches scientifiques.
Aussi, dès l'âge de vingt-cinq ans, grâce à ses savants travaux, il fut élu membre de l'académie des sciences.
On doit à Lavoisier de nombreuses découvertes : c'est lui qui a su trouver le premier de quels gaz l'air que nous respirons se compose, de quels éléments est formée l'eau que nous buvons ; c'est lui qui a expliqué comment la respiration nous fait vivre et entretient la chaleur de notre corps. Lavoisier est le créateur de la chimie moderne.
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LAVOISIER DANS SON CABINET DE CHIMIE. – Le grand chimiste est occupé à faire bouillir une substance dans un vase recourbé appelé cornue. Il en recueille les vapeurs pour en étudier la composition.
En même temps qu'il se livrait à tous ces travaux par amour de la vérité et de la science, il entreprit, dans un but d'humanité, une foule d'autres études.
Il fit des expériences malsaines et dangereuses sur les gaz qui s'échappent des fosses d'aisances, et qui si souvent causent la mort des travailleurs. Il raconte lui-même ces expériences avec une noble simplicité et expose toutes les précautions que les travailleurs doivent prendre pour éviter les accidents.
Malheureusement, une mort prématurée vint arrêter le grand Lavoisier au milieu de ses travaux. C'était l'époque sanglante de 1794, où la France attaquée de tous côtés, au dehors et au dedans, ne savait plus distinguer ses amis de ses ennemis. Lavoisier, qui avait occupé un poste dans les finances, fut accusé avec beaucoup d'autres. Lui-même, sûr de son innocence, au lieu de s'enfuir, vint noblement se constituer prisonnier. Mais, enveloppé dans une condamnation qui frappait à la fois des coupables et des innocents, il mourut sur l'échafaud.
La veille de sa mort, les savants qui avaient travaillé avec lui et qui admiraient son génie étaient venus le voir dans son cachot : ils lui avaient apporté une couronne, symbole de la gloire qui lui était réservée dans l'avenir.