Titre Précedent Suivant Sommaire Index | CXXI. – Les découvertes de Pasteur.

CXXI. – Les découvertes de Pasteur.

Les découvertes des savants allègent les maux de l'humanité. Elles continuent à répandre leurs bienfaits alors même que les grands hommes ne sont plus. Car le bien que nous faisons nous survit. Hélas ! le mal aussi. Contribuons, dans notre petite sphère, à faire régner et triompher le bien.
Tout le monde dîne, et c'est un gai spectacle que cette longue table où vingt-quatre couverts sont dressés, entre-mêlant tous les ages. Les plus petits sont placés près des mères et des soeurs aînées, qui en prennent soin et veillent à ce qu'ils ne troublent point la conversation. D'ailleurs, on est au dessert. On épluche les noix et les châtaignes, on se régale d'une tarte aux pommes : chacun sait combien d'aussi agréables occupations rendent sages les plus turbulents.
Les gens raisonnables peuvent donc parler à l'aise et ils n'y manquent point.
– Je vois avec joie, dit M. Gertal, que la Grand'Lande est joliment bâtie. Les pièces sont si aérées, si spacieuses, que vous devez tous vous porter à merveille.
– Cela est vrai, monsieur Gertal, on se porte bien, répondit le pilote Guillaume. Mais, sachez-le, on ne se contente pas d'aérer les pièces. En qualité de vieux marins, Frantz et moi, nous tenons à ce que tout, à la ferme, soit lavé, astiqué, frotté, comme sur un bâtiment de l'État. Ici, voyez-vous, bêtes et gens sont toujours propres. Nous ne manquons pas d'eau. Nos ménagères et nous, nous savons nous en servir. Aussi les enfants poussent à qui mieux mieux. Voyez leurs mines roses ! Et les vieillards se maintiennent encore droits.
Ce disant, Guillaume redressa sa haute taille de vieux Normand et la bonne figure alsacienne de Frantz s'épanouit d'aise. Julien, tout souriant, repartir à son tour.
– Nous aussi, monsieur Gertal, André et moi, nous nous sommes rappelé souvent la visite faite avec vous à la ferme de Bourgogne où nous achetâmes des poulardes. Tout ce que vous nous avez appris sur la nécessité de l'hygiène pour conserver sa santé et sa vigueur, nous ne l'avons pas oublié et nous l'avons mis en pratique de notre mieux.
– Eh bien ! mes amis, dit M. Gertal, votre domaine est devenu à son tour un modèle. Et la prospérité qui règne ici doit encourager les voisins à vous imiter.
– On fait ce qu'on peut pour donner de bons conseils, dit André. Pour moi, je ne cesse de répéter : si, partout en France, même dans le moindre coin, chacun veut remplir son devoir, la patrie deviendra grande, heureuse, prospère. Que les plus courageux donnent l'exemple, les autres suivront. L'exemple est contagieux, tachons qu'il soit toujours le bon.
– Bravo, mon cher André. Voilà une belle manière de prêcher le progrès. D'ailleurs, du côté de l'hygiène, le progrès se réalise vraiment. La vie humaine s'allonge. Au dix-huitième siècle, la durée moyenne de la vie n'était que de 23 ans ; au dix-neuvième, qui vient de s'écouler, elle est de 38. Espérons que le vingtième, dont nos jeunes enfants seront les ouvriers, fera mieux encore.
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UNE MAIN VUE A TRAVERS LES RAYONS X. – Les rayons X, découverts par le professeur Roentgen, sont des rayons de lumière invisible à nos yeux. Ils traversent les objets opaques pour notre vue, tels que la chair qui recouvre nos os, et ils permettent de photographier l'intérieur de notre corps.
– Le siècle s'ouvre, de ce côté du moins, sous d'heureux auspices, dit Victor Gertal, car la médecine et la chirurgie ont fait autant de progrès que l'hygiène. Les rayons X permettent au médecin, comme au chirurgien, de voir à l'intérieur du corps de leurs malades et même de photographier leurs os. La découverte du chloroforme permet d'endormir ceux à qui on fait les opérations les plus douloureuses. On vous coupe une jambe et vous vous éveillez sans avoir rien senti. Enfin, grâce aux pansements antiseptiques, les plaies se guérissent vite et la gangrène n'est plus à craindre.
– Ajoutons à cela, pour être complet, dit M. Gertal, les belles découvertes de mon compatriote et bienfaiteur illustre, Pasteur !
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PASTEUR, né à Dole (Jura) en 1822, mort en 1895, fut élève de l'Ecole normale supérieure à Paris, puis sous-directeur de cette école. Il a fait des travaux admirables sur la fermentation, puis sur les microbes. Il a découvert les moyens de guérir la maladie des vers à soie, la rage, le charbon, et a mis sur la voie des recherches à faire pour la guérison d'autres maladies redoutables.
– Quoi, monsieur Gertal, vous avez connu Pasteur !
– Oui, dit M. Gertal, il était Jurassien comme nous. Aussi bon que savant, il encourageait ceux qui avaient le désir de s'instruire. Il a aidé mon fils Victor, qui travaillait ferme, à obtenir une bourse dans un lycée de Paris ; ce qui lui a permis de faire de bonnes études, d'arriver à être vétérinaire et d'entrer plus tard comme aide dans plusieurs Instituts Pasteur. J'ai apporté dans ma valise, entre autres choses intéressantes pour les étrennes de vos enfants, une jolie photographie de Pasteur.
– Nous serons heureux d'avoir ce portrait, dit André. Pasteur est particulièrement vénéré dans notre commune : un enfant d'ici, horriblement mordu par un chien enragé, a été guéri à l'Institut Pasteur de Paris. L'accident jadis eût été mortel, il n'a pas eu de suites.
– Les découvertes de Pasteur profitent non seulement à la France, mais au monde entier, dit Victor Gertal. Ses recherches ont tracé la voie où d'autres se sont engagés. A cette heure, nous devons aux disciples de Pasteur la guérison du croup, par le sérum du Dr Roux : celle de la morsure des serpents, par le sérum du Dr Calmette ; la fréquente guérison de la peste, par le sérum du Dr Yersin. Chaque année, des milliers de vies humaines échappent ainsi à la mort, grâce aux travaux et aux découvertes de Pasteur et de ses élèves. Le grand homme n'est plus ; mais le bien qu'il a fait, loin de s'éteindre avec lui, va s'augmentant chaque jour.