Titre Précedent Suivant Sommaire Index | CI. – L'attente d'un navire et les signaux de détresse.

CI. – L'attente d'un navire et les signaux de détresse.

De même que, sur mer, les vaisseaux se détournent de leur route pour venir au secours des naufragés, de même, dans la vie, nous devons aller vers ceux qui souffrent et faire pour eux sans hésiter les sacrifices que réclame leur misère.
Vers midi, le vent changea brusquement. En même temps, la brume qui n'avait cessé d'envelopper la barque se dissipa peu à peu, et les naufragés, qui étaient maintenant cinq, purent observer l'horizon sur tous les points.
– En temps ordinaire, dit Guillaume, nous ne tarderions pas à apercevoir quelque navire, car la Manche est la mer la plus fréquentée du globe ; mais, après une telle tempête, c'est grand hasard si quelque vaisseau a pu tenir la mer et si l'on vient à notre secours.
– Espérons pourtant, dit le capitaine.
Et la barque continua de voguer au hasard des vents et des vagues.
Vers deux heures on aperçut du côté du sud un petit point blanc qu'on avait peine à distinguer de l'écume des flots. Mais, en le regardant, les yeux du vieux pilote brillèrent :
– Voici une voile, dit-il ; puisse-t-elle venir vers nous !
Le navire approchait en effet. Après une demi-heure d'attente, qui sembla un siècle aux naufragés, on découvrit distinctement les trois mats.
– On peut maintenant nous voir, dit le capitaine, tachons d'être aperçus.
Le pilote, qui avait la plus haute taille, prit un mouchoir rouge, l'attacha au tronçon d'une rame qui restait et l'agita en l'air comme signal de détresse.
Ce fut alors un grand silence, plein d'anxiété : tous les yeux étaient tournés vers le même point. Le navire approcha encore, mais il se dirigeait vers les côtes d'Angleterre, et, continuant rapidement sa route, il ne vit pas le frêle canot perdu au milieu de la mer.
Peu à peu les mats semblèrent s'abaisser en s'éloignant, le navire ne parut plus qu'un point, le point lui-même disparut, et le canot des naufragés continua de flotter seul sur l'immense Océan.
Tous les coeurs étaient gros d'angoisse. Un silence morne régna de nouveau dans la petite barque.
Le soleil allait déjà se coucher et emporter avec lui la dernière espérance des naufragés, lorsque Julien, dont les yeux étaient tournés vers l'ouest, aperçut au loin une sorte de petit nuage noirâtre qui flottait au-dessus de l'horizon.
– Ne voyez-vous pas ce nuage ? dit-il à son oncle.
Celui-ci regarda, puis, se levant d'un coup : – Oh ! dit-il, ce n'est point un nuage, c'est de la fumée. Sûrement un vapeur est par là. Nous pouvons encore espérer.
Bientôt, en effet, la fumée sembla approcher, épaissir ; puis quelques minutes plus tard, on distinguait le haut des mats et de la cheminée du vaisseau.
On se leva et on agita tout ce qu'on possédait d'étoffes à couleurs voyantes. Julien avait levé ses petits bras, et, comme tout le monde agitait son mouchoir.
Tout d'un coup le navire à vapeur changea de direction et marcha juste sur le canot. Le signal avait été aperçu et on venait pour secourir les naufragés.
Quelques instants après, ils étaient tous à bord du grand bateau à vapeur la Ville de Caen, qui reprenait sa route vers Dunkerque, les emportant avec lui.