Titre Précedent Suivant Sommaire Index | C. – Le noyé et les secours donnés par Guillaume.

C. – Le noyé et les secours donnés par Guillaume.

Que d'hommes ont été rappelés à la vie par des secours intelligents et persévérants.
Après ce moment d'effusion, Guillaume fit un effort, et chassant ses tristes pensées :
– Ces enfants-là doivent être épuisés, dit-il. Puisque nous n'avons plus rien à faire qu'à nous laisser ballotter au hasard, il faut réparer nos forces en prenant de la nourriture.
On atteignit alors quelques provisions qu'on avait emportées en toute hâte au moment d'embarquer : du biscuit, de la viande sèche et un petit baril d'eau douce. On brisa comme on put le biscuit, et, quand chacun eut repris des forces, on se sentit plus de courage et d'espoir.
La barque flottait au hasard, jouet des flots ; tous les yeux étaient fixés sur l'horizon.
Julien, qui regardait comme les autres la mer avec attention, s'approcha de l'oncle Frantz :
– Mais voyez donc, dit-il ; il y a quelque chose qui flotte là-bas sur l'eau : qu'est-ce que ce peut être ?
– Quelque épave de la tempête, sans doute, dit l'oncle Frantz. Peut-être quelque débris du navire.
– Mais non, je vous assure, dit André à son tour. Tenez, il me semble que ce sont des vêtements qui flottent. Ne serait-ce point le corps d'un homme ?
– Il a raison, dit le vieux pilote. Ce doit être un naufragé comme nous, mais plus malheureux que nous.
Tous les yeux fixés sur ce point cherchaient à deviner. On ne pouvait encore bien distinguer l'objet qui flottait sur l'eau. Tout d'un coup une vague plus forte le rapprocha de la barque.
– Oh ! s'écria l'oncle Frantz, qui avait aperçu le visage pâle du naufragé, c'est le capitaine du navire.
Et, jetant à la mer un paquet de cordages qui se trouvait à bord de la barque désemparée, il parvint à attirer à lui le corps flottant et à le hisser dans le canot.
On le coucha aussitôt sur le côté. Guillaume desserra les dents du capitaine : on vit l'eau ressortir de sa bouche. Ensuite Guillaume le frictionna par tout le corps pour rappeler la chaleur, et, appuyant la main sur sa poitrine, il la fit successivement s'élever et s'abaisser pour imiter les mouvements de la respiration.
Le corps semblait toujours inanimé. Le père Guillaume, sans se décourager, approcha alors sa bouche de la sienne et lui souffla doucement de l'air. Il fit cela avec patience pendant assez longtemps. André et Julien, se dépouillant de leur veste, avaient recouvert le noyé pour le réchauffer.
Enfin le souffle du capitaine parut répondre à celui de Guillaume ; un léger tressaillement agita son corps, ses lèvres remuèrent et ses yeux se rouvrirent. L'oncle Frantz, prenant une gourde d'eau-de-vie, lui en versa quelques gouttes qui le ranimèrent tout à fait.
Quand il put parler, le capitaine raconta à ceux dont les soins intelligents venaient de le sauver que la chaloupe chargée de monde avait eu une avarie, avait pris l'eau et sombré. Il avait nagé pendant plusieurs heures, espérant rencontrer quelque navire. Puis il avait aperçu de loin le canot et s'était dirigé vers lui. Enfin les forces l'avaient abandonné, et depuis il ne savait plus ce qu'il était devenu.