Titre Précedent Suivant Sommaire Index | CXXIII. – Les essais agricoles aux colonies. Les serpents.

CXXIII. – Les essais agricoles aux colonies. Les serpents.

Les découvertes de la science ne se font pas sans peines ni dangers. Le courage des savants est admirable ! Ils s'exposent à contracter les germes des maladies dans les milieux contaminés et insalubres. Beaucoup succombent victimes de leur dévouement.
– Dites-moi, monsieur Gertal, demanda le petit Jean toujours curieux, le sérum, est-ce que c'est une tisane qu'on boit ?
– Non, mon ami. On injecte le sérum sous la peau ou dans les veines. Ces injections sont des sortes de vaccinations.
– Oh ! alors, je comprends, dit l'enfant, car j'ai vu vacciner ma petite soeur.
– On s'occupe aussi, reprit M. Victor, au laboratoire de Nha-trang, des maladies des animaux : de la peste bovine, par exemple, du charbon et de bien d'autres maladies. On a trouvé le moyen de réduire à 6 p. 100 la mortalité de la peste bovine au Tonkin, alors qu'elle était de 70 à 80 p. 100. En qualité de vétérinaire, vous pensez si ces expériences m'intéressaient !
A Nha-trang, on a cédé aussi au Dr Yersin un terrain de forêts pour tenter quelques essais agricoles.
– Oh ! dit Jean, tirant M. Gertal par la manche, qu'est-ce que cela veut dire « des essais agricoles » ?
– Cela veut dire, Jean, qu'on cherche quelles sont les cultures très utiles et très productives auxquelles le sol de nos colonies se prête le mieux. Le café, par exemple, que les indigènes ne cultivaient pas, semble appelé à réussir.
– Alors, monsieur Victor, dans ce terrain de la forêt on a planté du café et d'autres choses encore ?
– Précisément. On a fait aussi des cultures de fourrages pour élever des boeufs et des chevaux. Ces animaux sont indispensables pour la confection des sérums et leur essai. En 1902, quand j'ai quitté Nha-trang, on y nourrissait 500 boeufs et une cinquantaine de chevaux.
– Monsieur Victor, dit Jean, est-ce qu'il y avait des serpents dans la forêt dont vous parlez ? On dit qu'il y en a beaucoup dans les pays chauds. Est-ce que vous en avez vu ?
– Non seulement j'en ai vu, mon petit Jean, mais j'ai éprouvé le désagrément d'être mordu. En marchant dans l'épaisse forêt voisine de l'Institut Pasteur, je heurtai, sans le voir, un gros serpent qui, furieux, se dressa en sifflant, se jeta sur ma main et la mordit. Je me défendis par un vigoureux coup de hache.
Tous les enfants, oubliant un instant les noix qu'ils épluchaient, levèrent la tête pour regarder le fils de M. Gertal.
– Et vous n'avez pas été malade ? dit Jean. Je croyais qu'on en mourrait.
– Certes oui, on en meurt. Fort heureusement pour moi et pour bien d'autres, le docteur Calmette a trouvé un sérum antivenimeux. Les voyageurs qui vont aux colonies ou dans les pays où il y a des serpents venimeux ont soin de se munir, en partant, d'une provision de ce sérum à l'Institut Pasteur de Lille. J'en avais emporté dans de petits tubes. Je me fis aussitôt une injection sous la peau. J'en fus quitte pour une forte fièvre et un gonflement très douloureux du bras.
– Oh ! oh ! dit Jean, ces savants sont admirables ! Je voudrais, moi aussi, devenir un savant quand je serai grand.
– Alors, Jean, il faut travailler. Tous les savants ont été de grands travailleurs. Beaucoup, comme notre illustre Laplace, par exemple, sont partis des classes les plus humbles. C'est une belle ambition que celle de vouloir grossir le nombre de ces hommes qui, sans bruit ni fracas, exposent souvent leur vie dans leurs recherches, et souvent aussi meurent à la peine.